Le format de ce billet sort de l’ordinaire… Je vous invite à prendre un quart d’heure pour écouter la vidéo ci-dessous. Le texte qui la suit en est l’exacte transcription, d’où un style et une longueur différents de mes écrits habituels. Ceci est une expérience !
Est-ce que vous avez déjà un jour réfléchi à l’importance de votre propre voix ? Est-ce que vous avez déjà pris conscience de la façon dont le son sortait de votre bouche ? De la façon dont il résonnait dans l’air autour de vous, mais aussi à l’intérieur de vous lorsque vous parliez ?
Jusqu’à il y a quelques jours, je m’étais jamais vraiment posé ce genre de questions, et puis j’ai vécu une certaine expérience qui a complètement changé la relation que j’avais à ma propre voix.
On a tous déjà fait l’expérience de s’entendre un jour sur un enregistrement (une vidéo ou un répondeur) et en général, on s’est dit : « Je connais cette voix, mais en même temps elle m’est un peu étrangère… C’est bizarre, j’aime pas trop ce que j’entends, ce n’est pas ma vraie voix ». Ce que vous appelez votre vraie voix, en réalité, c’est un mélange entre cette voix extérieure qui vous paraît très bizarre, parce qu’elle n’est pas jointe avec une voix intérieure que vous connaissez depuis longtemps, qui est en fait la résonance de votre voix dans votre propre corps.
Cependant, la voix que vous projetez aux autres lorsque vous parlez, c’est cette voix enregistrée (vu que les autres ne perçoivent pas l’intérieur de votre corps). Et donc c’est finalement cette voix, votre « vraie » voix, vu que c’est celle qui vous permet de converser, de faire passer un message.
Cette voix extérieure qu’on n’aime pas forcément, on a quand même déjà quelques idées préconçues dessus : quelqu’un pourra dire qu’il a une petite voix fluette, quelqu’un d’autre pourra dire qu’il a une voix bien grasse et bien grave et qui porte. Pour ma part par exemple, je sais que j’ai une voix qui porte bien, je sais que j’ai parfois un accent alsacien qui ressort selon certaines circonstances, et je sais aussi qu’on me reproche parfois de parler trop fort, ou de parler avec une certaine agressivité sans que je m’en rende compte. Mais j’avais pas plus d’idées que ça sur ma propre voix, que je considérais comme un simple outil de communication.
Mais ça a changé, il y a quelques jours de ça. En fait, vu que je suis doctorante, j’ai accès grâce à mon université à tout un catalogue de formations professionnelles, du type « Initiation aux fondamentaux du management », « Droit de la propriété intellectuelle », qu’est-ce que j’ai eu d’autre… « Création d’entreprise », … Voilà, différentes formations plutôt intéressantes ; et parmi elles, je me suis inscrite à une formation qui a plutôt attiré ma curiosité, qui était un « atelier voix ».
Quand on est doctorant, on se destine en général à un métier de recherche et d’enseignement. Dans la recherche, on est amené à faire des communications orales : donner des conférences à une centaine de personnes dans un amphithéâtre, et de même quand on fait des enseignants – des enseignements, pardon – on s’adresse à un public d’étudiants face à qui il faut d’une part transmettre des informations, mais aussi asseoir son autorité. Donc pour ça, bien maîtriser sa voix est quelque chose de fondamental. Et c’était là l’objectif de cette formation : de mieux comprendre sa voix pour mieux pouvoir l’utiliser en communication.
Donc nous étions ainsi une dizaine de doctorants à cette formation qui durait deux jours, et l’intervenant était un professeur de chant, qui se disait aussi être coach vocal à des personnes dont finalement la voix est un véritable outil de travail. Donc des enseignants, mais aussi des avocats, des hommes ou femmes politiques, ce genre de choses.
Cette personne se servait beaucoup du chant pour nous transmettre ses enseignements sur la voix. Par exemple un de ses premiers travaux a été de diagnostiquer la voix de chacun, ce qui était un exercice assez cocasse. Il était venu avec son petit piano électrique au son un peu misérable, et nous a demandé chacun notre tour de passer devant lui en chantant les asp – les asperges *rit* chanter des asperges… non – en chantant les arpèges qu’il allait nous faire au piano. Donc on s’est retrouvés ainsi à devoir le suivre en faisant des exercices du style : (en chantant) « Ma me mi mo mu me mi mo muuu ». Enfin voilà, ce genre de choses qu’on utilise typiquement en cours de chant, mais que nous en tant que doctorants non chanteurs, on n’avait pas forcément l’habitude d’utiliser. Et donc à partir de ces petites vocalises, le prof de chant nous diagnostiquait déjà un petit peu notre voix et donnait quelques conseils pour mieux chanter, entre guillemets.
Par exemple pour ma part, il a catégorisé ma voix dans la classe des mezzo soprano qui est en gros la voix intermédiaire des femmes (qui concerne environ 18% de la population féminine – j’ai bien pris mes notes !). Et (il) me disait que j’avais une voix qui portait bien parce que je l’appuyais correctement sur ma respiration : je respirais de façon correcte pour pouvoir chanter ; mais que en chantant, j’appuyais trop ma voix sur ma mâchoire inférieure, et que je ne la projetais pas assez en avant. Donc bon, ce n’est pas le propos là du billet, je ne vais pas rentrer dans les détails des techniques de chant, mais c’était déjà assez rigolo de se faire diagnostiquer par un expert en chant et de savoir qu’on appartient à telle catégorie de voix et qu’on a telle ou telle qualité ou défaut. Mais ce qui m’a le plus impactée dans cette formation, c’était le deuxième jour de formation, où cette fois-ci on diagnostiquait notre voix non plus dans le chant, mais dans l’expression oratoire.
Donc nous étions tous en disposition de public : tous les gens se sont installés comme s’ils étaient public d’une conférence, et chacun notre tour, on passait devant les autres, à présenter un sujet d’une ou deux minutes comme si on faisait une présentation orale de conférence ou de soutenance de thèse. Et le prof, du coup durant cette présentation, nous donnait quelques conseils sur la façon de mieux utiliser notre voix dans ce contexte-là. Donc par exemple il y avait certaines personnes qui étaient hyper angoissées de parler en public, et où ça se ressentait tout de suite *adopte une voix rapide et saccadée* c’est-à-dire que d’un coup elles parlaient avec une petite voix, en général très très vite, et respiraient beaucoup de façon très, très saccadée parce que c’était un vrai vrai stress – et du coup ce stress se communiquait énormément, se transférait sur les gens qui se concentraient absolument pas sur leur discours mais qui ne faisaient qu’entendre ce stress et c’était du coup une expérience hyper désagréable *reprend une voix normale*.
Le prof leur a donné du coup quelques conseils, notamment de respiration, de projection, de bien asseoir sa voix, de prendre le temps etc… de gérer son stress. Les personnes stressées sont repassées devant nous à l’oral, en essayant d’appliquer ces conseils, et tout de suite on a vu un changement radical dans leur discours. On arrivait enfin à entendre leur message, là où avant on ne faisait que se focaliser sur leur stress et sur leur angoisse. Donc rien que des techniques de respiration et de bonne prononciation rendait leur discours beaucoup plus percutant.
De même, d’autres personnes lorsqu’elles parlaient ponctuaient-euuuh sans cesse-euuuh, en cherchant des idées-euuuh, des « euuuh » tout le temps au bout des phrases (je suis sûre que vous connaissez aussi des gens comme ça), ce qui parasite énormément le discours. Et donc ces personnes devaient prêter tout particulièrement attention à éliminer ces « euuuh » à rallonge, et à les remplacer par du simple silence. Et rien que ça, ça clarifiait énormément leur propos.
Pour ma part, j’avais pas la sensation d’avoir des difficultés particulières à parler en public. C’est quelque chose que je fais assez souvent, en plus le fait que je fasse du théâtre d’impro m’aide aussi à ne plus avoir peur face à un public (même si évidemment le stress est toujours présent, mais j’ai la sensation de quand même bien réussir à le gérer). Donc j’étais plutôt curieuse de faire cet exercice, afin de savoir justement ce que ce professeur de chant allait pouvoir me dire sur ma propre voix, afin que je puisse encore améliorer ma communication.
Donc me voilà devant les dix doctorants en train de parler pendant une ou deux minutes d’un sujet lambda, et ce que ce prof a réussi à interpréter et à dire de ma personne à partir de mon simple discours, qui était un discours totalement professionnel, m’a complètement sifflée. Je vais vous expliquer.
Ce que m’a dit ce prof, c’était que ça se sentait dans ma voix que j’étais quelqu’un de nature assez sensible, et qui du coup se basait énormément sur les émotions dans sa vie de tous les jours, dans ses expériences. Pourquoi ? Parce que j’utilisais dans ma voix, enfin, je mettais dans ma voix énormément d’émotion pour faire passer mon message. Vu que c’est un langage que j’utilise moi inconsciemment dans ma vie de tous les jours, le langage des émotions, eh bien c’était ce langage que j’utilisais pour communiquer avec les gens. Ce qui est une très bonne chose dans la mesure où, lorsqu’on met beaucoup d’émotion dans sa voix, l’interlocuteur se sent tout de suite impacté et adhère au discours. Enfin se sent tout de suite… Je ne sais pas comment… quel mot utiliser… Se sent immergé dans le discours, parce que cette émotion va tout de suite le toucher.
Néanmoins, certaines personnes – surtout dans mon contexte de travail qui est un contexte très scientifique et où je communique de façon très scientifique – certaines personnes vont se sentir totalement déconcertées par cette projection émotionnelle, parce que ces personnes-là sont là pour recevoir des faits scientifiques, intellectuels, et d’un coup se retrouvent face à moi qui leur projette toute une vague d’émotions, de façon totalement inconsciente, mais qui les déstabilisent complètement. Ces personnes-là évidemment n’ont pas l’expertise qu’avait ce prof et donc n’ont pas pu pu comprendre que c’était là l’utilisation du langage émotionnel. Et du coup ces personnes se sont simplement senties agressées par ce déversement d’émotions qu’ils n’étaient pas prêts à recevoir.
Pour palier à ce problème, ce que le coach vocal m’a conseillé, c’était d’inclure à mon discours beaucoup plus de temps de silences afin que mes interlocuteurs puissent prendre le temps de recevoir ces émotions, de les digérer, et du coup de se re-focaliser sur le message que je leur transférais. Je tiens bien à préciser, quand je parle d’émotions, ce n’est pas – je ne suis pas en train de pleurer pendant que je parle ou quoi que ce soit, non, c’est juste dans l’intonation de ma voix, je m’implique beaucoup plus, je mets beaucoup plus d’émotions que quelqu’un qui dit juste des faits de façon très très monocorde, parfois même un peu trop, mais voilà : qui s’en tient aux faits. Moi c’est pas le cas, moi tout de suite je mets beaucoup d’emphase dans mes… dans mes propos. Et du coup le fait de placer des silences permet de renforcer ces propos, de garder cette émotion qui est importante car elle inclut l’interlocuteur, mais ajouter des silences lui fait prendre le temps de digérer ces émotions, ces informations.
Quand je suis repassée du coup – je dis souvent du coup, voilà un autre tic de langage qu’il faudrait que j’élimine… Quand je suis repassée devant les doctorants en ayant conscience de cet élément et en essayant de placer plus de silences dans mon discours, tout de suite les autres participants m’ont indiqué que mon discours était encore beaucoup plus intéressant, percutant, dynamique et agréable à entendre. Donc voilà, maintenant j’ai l’outil qu’il me faut pour mieux contrôler cette émotion vocale afin que mon interlocuteur ne se sente pas agressé par l’utilisation d’un tel langage.
Cette analyse-là, basée sur mon simple discours d’une ou deux minutes, m’a complètement estomaquée parce que… Je sais que le langage émotionnel est quelque chose qui m’est familier, je sais que je suis quelqu’un de nature sensible, et je sais que je me base énormément sur les émotions dans ma vie personnelle, voilà c’est… Enfin, je sais pas si on peut parler de valeur, mais c’est tout du moins un élément très fort de mon identité. Cependant j’ai toujours considéré que cette sensibilité et ce langage émotionnel, je m’interdisais totalement de les utiliser dans un cadre professionnel. Je travaille dans un milieu très scientifique qui se base sur des faits, sur des résultats, et volontairement j’estimais ne pas avoir à utiliser ce langage très… j’allais dire sentimental, c’est peut-être pas jusque là, mais ce langage très sensible – tel que vous d’ailleurs vous pouvez le connaître sur Hypothermia, vu que ça me sert aussi à canaliser toutes ces émotions et toute cette sensibilité que je ne peux pas canaliser dans mon travail.
Mais du coup dans ce contexte hyper professionnel, le fait qu’une personne puisse trouver dans ma simple voix toute cette expression d’émotions et de sensibilité, ça m’a totalement remuée, parce que j’étais convaincue de ne jamais montrer cette partie-là de ma personne dans mon cadre professionnel. Finalement, quand je suis au travail, je peux totalement faire impression – par exemple quand je donne une présentation assez importante : je mets un tailleur, je me maquille d’une certaine façon, je coiffe mes cheveux en chignon, bref je me mets dans les conditions qui vont projeter de moi l’image de « la scientifique sûre d’elle qui présente des résultats ». Je n’avais absolument aucune conscience que ma voix projetait un tout autre message, et en fait projetait ma « réelle » identité, entre guillemets. Ma voix projette le fait que je suis quelqu’un de sensible et que je suis quelqu’un qui utilise (le langage) des émotions.
Finalement, votre voix n’est pas juste un outil qui vous sert à communiquer un message. Votre voix communique bien plus que ça, et j’irais même jusqu’à dire suite à cette expérience que votre voix est finalement un des premiers marqueurs de votre identité, et un des premiers éléments de votre identité que va recevoir votre interlocuteur. Donc la prochaine fois que vous vous entendrez sur un enregistrement vidéo par exemple, ne vous dites pas tout de suite « Aah j’aime pas cette voix-là, c’est pas ma vraie voix », essayez plutôt de l’écouter comme quelqu’un d’extérieur et de vous rendre compte finalement que si, c’est un élément propre à votre identité, et ça traduit qui vous êtes.
Votre voix traduit qui vous êtes.
J’ai décidé de partager cette expérience et ces réflexions-là sous la forme d’un enregistrement audio parce que je voulais moi-même me plier à cet exercice de m’écouter. Donc je vais pour ça retranscrire mon discours de façon écrite, et quand même publier cet enregistrement audio, parce que finalement je me dis : quoi de mieux que d’utiliser ma propre voix pour vous faire prendre conscience que la vôtre a aussi de l’importance ?
Moi j’aime bien quand on perçoit toute l’émotion dans la voix de quelqu’un et qu’on se laisse emporter par celle-ci, parce que c’est justement ainsi que je retiens le mieux le message. (Je parle de ton cas, je ne parle pas du cas d’une personne stressée de parler en public où là tu te concentres sur sa souffrance et pas sur sa passion). C’est quand la personne m’embarque dans un flot émotionnel, que je vis ce qu’elle dit. Aussi scientifiques et sérieux que soient les propos. Alors je ne sais même pas si j’aurais besoin de ton silence pour digérer et faire retomber l’intensité.
Qu’est-ce que ça fait du bien de t’entendre.
Et les asperges… c’est toi à 100%.
Tu parles mon langage, A, tout comme moi tu vis pour cette intensité, d’où le fait que ça te semble évident :)
Quant aux asperges, j’ai failli reprendre mon enregistrement de zéro avant de me dire que finalement, c’était aussi un morceau de moi, ces lapsus incongrus !
Merci pour ce texte, c’était hyper intéressant !
Depuis que j’ai commencé à enseigner, j’ai bien sûr dû travailler sur cet aspect-là, mais je n’avais pas conscience de tout ce qui pouvait se transmettre par ce biais. Par exemple, je fais partie de ces gens qui éprouvent de grandes difficultés à parler en public, donc j’ai dû faire très attention à poser ma voix, à ménager des silences, à prendre le temps, en somme, d’aligner tranquillement les syllabes. Et pourtant… Déjà en t’écoutant parler, j’ai pris conscience de ce que si je suis fatiguée et irritable, cela s’entendra dans la manière dont je vais articuler. Et sans doute le fait que j’ai du mal à parler fort, à faire porter ma voix (ce qui est très embêtant dans une salle de classe), dit aussi quelque chose de moi, parce que comme tous les timides je n’ai jamais su poser ma voix dans ce type de contexte.
Je crois que je vais me plier à l’exercice et m’enregistrer quand je préparerai mon prochain cours, ce sera sûrement intéressant :)
J’ai constaté que mes étudiants étaient plus sensibles à mon ton de parole et intransigeants sur mon affirmation de voix, donc j’imagine qu’à ton niveau ça doit être aussi très important. Si c’est quelque chose qui t’handicape réellement, je ne peux que t’encourager à suivre quelques cours de chant ou d’impro. Mais déjà l’exercice de t’enregistrer te sera très formateur je pense ; idéalement, je te suggérerais même de te filmer debout : je ne l’ai pas mentionné dans cet article, mais la posture qu’on adopte impacte tout autant notre public. N’hésite pas à me faire part de ton retour d’expérience, je suis curieuse de ce que tu en tireras !
J’ai adoré cet article ! C’est vraiment sympathique de pouvoir t’entendre.
C’est quelque chose qui me fascine cet écart entre la voix intérieure et celle que le reste du monde entend. J’ai toujours beaucoup de mal à me reconnaitre sur les enregistrements et je les fuis un peu d’ailleurs. Il faudrait que je me plie à l’exercice un de ces jours :)
Cette formation avec le prof de chant devait être super intéressante, j’adorerais avoir accès à quelque chose comme ça ! Je suis curieuse de savoir ce que pourrait donner mon diagnostique ^^
Je me suis souvent demandé quelle est la voix des gens que je lis régulièrement, aussi j’ai trouvé amusant de partager la mienne :)
Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui me confiait spontanément aimer sa voix sur un enregistrement, ce phénomène me fascine tout autant que toi : cela m’impressionne qu’on déteste tant quelque chose qui nous est pourtant tellement personnel et qu’on partage à toute personne à qui on s’adresse. Je t’invite sincèrement à surmonter ce premier rejet d’écoute pour apprivoiser ta voix, c’est une expérience vraiment enrichissante.
« Tiens, je la rencontre », c’est ce qui m’a traversé l’esprit après avoir entendu quelques phrases. Ce n’est pas la sensibilité qui m’a surprise (peut-être parce qu’en trainant par ici, je m’en doute), mais l’assurance – une voix forte, assurément, sans que le volume soit en cause. Appartenant plutôt à la catégorie bien imitée de ceux qui, stressés, parlent à toute vitesse en apnée, je suis admirative !
Cela dit, un peu comme Elle, je me laisse mieux embarquer quand le phrasé et le débit de la parole se font plus irréguliers, épousant le flux de la pensée, de son surgissement. Les silences et la rythmique qu’ils induisent font très conférence TedX, très normalisé, et font en quelque sorte obstacle à l’affleurement de la personnalité (ce qui peut être l’effet recherché pour un propos scientifique, mais risque de privilégier l’apparence de professionnalisme au détriment de la passion qui anime le propos et permet de le suivre sans effort). Du coup, je préfère les instants d’emballement et les lapsus, qui forment une brèche dans cette mécanique bien huilée et laissent apercevoir l’humain (c’est après tout ce que je viens chercher en lisant des blogs :).
Cette formation me rappelle deux épisodes : le premier, c’est un séminaire d’anglais à la fac, où l’on avait travaillé sur la posture et l’articulation (avec des temps d’exercices similaires, très peu, quelque chose comme deux minutes de lecture par personne) : j’ai fait davantage de progrès à l’oral en un semestre que pendant des années, où l’on me faisait en vain remarquer mes déplacements d’accents. La mâchoire qu’on laisse tomber, ça marche mieux comme conseil que de stresser l’antépénultième… Je n’en suis pas revenue, que des éléments minimes puissent à tel point changer la projection de la parole et donc sa réception !
Et le second épisode, c’est un ostéopathe qui m’avait sciée : en me manipulant, il avait réussi à retrouver la cambrure exacte du moment où je m’étais fait mon élongation (en arabesque plongée donc effectivement très cambrée). C’est dingue quand même ce qu’une personne entraînée peut remarquer dans son « outil de travail » (la voix pour ton coach, le corps pour cet ostéo) !
En tous cas, je t’écouterais à nouveau volontiers ! Tu me donnerais presque envie de travailler ma voix du coup (et y’a un sacré boulot). Avec quoi t’es-tu enregistrée ? As-tu fait plusieurs prises ? utilisé des notes ? répété en amont ?
Ta première phrase m’a beaucoup touchée, j’ai trouvé très jolie ta première impression de rencontre qui appuie d’autant plus mon propos !
Tu fais bien de distinguer le fait qu’on adopte différents tons selon le registre du discours qu’on développe et le public auquel on s’adresse. Mon propos sur cet enregistrement est encore assez formel je trouve, et loin d’un débit ou du relâchement que je peux avoir dans une discussion personnelle – par souci de clarté, de compréhension, mais aussi d’une certaine pudeur de m’adresser à des personnes potentiellement inconnues.
Cela me fait sourire que tu cites les TED Talks car ça rebondit sur une anecdote que j’ai vécue hier : j’ai du présenter mes résultats de recherches de thèse en donnant une conférence à un amphithéâtre de 200 personnes, et – outre l’écho que ça donnait à tout ce que je venais de dire sur ce post – une personne m’a abordée après coup en m’indiquant : « J’ai eu l’impression d’assister à un TED Talk, ça m’a beaucoup plu ! ». Les présentations orales dans mon contexte de travail sont hyper rigoureuses et ne laissent pas place à beaucoup de fantaisie, donc j’essaie de me plier à un tel cadre tout en étant engageante dans mon discours : j’ai l’impression que ça passe plutôt bien dans mon domaine où la plupart des orateurs se cachent derrière leur pupitre. Je conçois ceci dit que ça puisse paraître artificiel – on commence à bien cerner ce qu’est le « style TED », réutilisé à tout bout de champ (et j’en suis coupable), qui par son formatage empêche une certaine proximité. Pour ma part cela me permet de me donner une certaine contenance qui me porte, je prends ça comme un jeu théâtral pour ne pas laisser le stress me déborder.
D’ailleurs, j’ai assisté hier à d’autres conférences, et l’une d’entre elle m’a particulièrement touchée. La présentatrice s’est avancée au micro et nous a annoncé « Je suis impressionnée et très stressé de parler devant vous, j’espère que je ne vais pas m’embrouiller ! » Cette démonstration de vulnérabilité l’a rendue à mes yeux très humaine, et j’ai senti un élan d’empathie dans le public qui m’a fait chaud au cœur.
Comme je l’indiquais à Nathalie, la posture qu’on adopte a un impact énorme sur la perception du public : impression d’assurance et d’aisance, mais aussi – et ton séminaire d’anglais rejoint mon expérience – la façon dont notre voix va porter. Je comprends mieux à quel point le chant est avant tout une discipline technique, il y a tellement de facteurs anatomiques qui rentrent en compte, tout notre corps y est impliqué. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé le parallèle que tu fais avec ton ostéopathe, ces personnes réussissent à lire en nous comme un livre ouvert, c’est absolument fascinant : Notre corps est marqué par notre histoire en de nombreuses façons dont nous n’avons absolument pas conscience.
Pour répondre à tes questions, je me suis enregistrée simplement avec une webcam, en une seule prise. J’ai enregistré quelques phrases après une première écoute, que j’ai insérées en plein milieu pour préciser un point que j’avais oublié. Pas de répétition, je tenais à un discours assez spontané (j’ai juste rédigé les premières questions pour me permettre de me lancer, tout le reste est improvisé). J’ai ceci dit noté quelques mots guides d’une trame générale pour rassembler les idées essentielles et l’ordre dans lequel je souhaitais les aborder (ce aussi pour ne pas que ça dure trop, j’envisageais 5 à 10 minutes et me suis au final retrouvée à 15 malgré cette structure…)
Original ce billet :) Tu as eu droit à une formation très intéressante ! C’est vrai qu’on ne se rend pas compte de ce qu’on peut transmettre rien que par le son de notre voix…
J’ai découvert ma voix « extérieure » quand je suis passée à la TV, et c’est une expérience qui ne m’a pas tellement plu ! Je ne me suis pas reconnue du tout. Ni ma voix, ni les mimiques de mon visage (qui sont en fait exactement celles de mon père, argh).
D’ailleurs toutes les personnes qui me connaissaient via le net sans m’avoir rencontrée ont été très étonnées quand elles m’ont entendues et ne s’attendaient pas du tout à ce que j’aie cette petite voix toute timide.
A ce propos, d’avoir lu puis écouté ton article m’a fait prendre conscience que la communication écrite me parle beaucoup plus que la communication orale en général. J’ai du mal à me concentrer sur ce qu’on me dit à l’oral, les mots s’envolent sans que je n’aie pu les saisir et m’approprier leur sens. Je m’imprègne mieux des messages quand ils sont écrits sous mes yeux que quand on me les énonce à haute voix.
Je préfère aussi communiquer à l’écrit qu’à l’oral, les mots me viennent plus facilement et mes phrases sont plus fluides que quand je les prononce.
Peut-être parce que si je fais le bilan, j’ai passé plus de temps dans ma vie à lire qu’à parler ? ^^
Ta voix à la télé ne m’a pas du tout choquée puisque – désolée de te le dire ainsi ^^ – c’est de cette manière que je te connais IRL ! Je répète ce que j’ai déjà écrit dans les commentaires précédents, il serait intéressant que tu te prêtes à l’exercice de t’écouter et d’apprivoiser cet aspect de toi que tu n’aimes pas trop, puisque c’est de toute manière ainsi que tous les gens qui t’écoutent te perçoivent ; je suis sûre que ça peut vraiment apporter quelque chose en confiance en soi / acceptation de soi.
Ce retour que tu me fais entre l’écrit et l’oral est vraiment intéressant, je n’avais jamais réfléchi à la question ! Pour moi les deux formats sont dissociés et transmettent différentes choses – d’ailleurs j’avais sans cesse envie de reformuler la retranscription de cet article dans mon style écrit qui est bien plus travaillé que mon style oral. Le fait que tu te sentes plus à l’aise avec les mots écrits/lus ne me surprend pas, de ce que je connais de toi, et je peux totalement concevoir qu’on se retrouve plus dans une forme que dans une autre, à te lire ça me paraît même évident :)
Très intéressant de te découvrir autrement.
Pendant l’écoute, je me suis faite la réflexion qu’avec la mélodie dans ta voix et ta façon de poser les mots, tu ferais une excellente conteuse !
Je ne me suis jamais prêtée à cet exercice, aussi ton compliment me touche beaucoup Personne <3
Mon ami me dit souvent que je parle de façon trop agressive et je m’étais rendue compte qu’en faisant des pauses cela aidait… mais c’est très difficile de s’imposer des pauses quand les émotions nous submergent… Je vais continuer à travailler là dessus car c’est très gênant, les gens ne font plus attention à ce que je leur dis tellement je parle trop vite et trop fort. En tout cas, j’ai partagé ta vidéo et je voudrais m’appuyer dessus pour un article sur mon site internet qui parlera de « l’importance de notre voix, lorsque nous ne nous cachons pas derrière l’écrit ». Est-ce que cela te dérange ?
Très bonne continuation en tout cas, à bientôt.
Bienvenue par ici Anaïs, et merci pour ton message !
Difficile en effet de ne pas s’emballer et mettre trop d’emphase dans nos mots lorsqu’on parle de sujets qui nous passionnent. Le prof dont je parle dans cet article avait une astuce pour cela : il proposait aux personnes ayant un débit trop rapide d’imaginer que les mots s’écrivent dans l’air (comme sur un tableau) au moment où ils sortent de leur bouche. L’effort de visualisation des mots ralentirait naturellement le débit de parole, c’est une technique à tester.
Cela m’honore que tu souhaites partager ma vidéo, je te le permets avec grand plaisir :) Pourrais-tu simplement la créditer en la liant vers cette page ( http://www.hypothermia.fr/2016/01/voix/ ) ? N’hésite pas à publier ici le lien vers ton article, je suis très curieuse de le lire !
Bonjour Eliness,
Voilà, j’ai mis mon article en ligne sur mon site aujourd’hui :
http://leslivresdanaisw.fr/les-emotions/
J’ai bien entendu crédité ton site et cette page à plusieurs reprises.
J’espère que cela t’intéressera :-)
Je travaille maintenant sur une vidéo pour présenter mon livre, mais ça va me demander un peu plus de temps au niveau technique surtout et puis, je pense avoir des surprises lorsqu’il me faudra poser ma voix sur la vidéo… Challenge. C’est grâce à toi, alors encore merci.
Anaïs
Je file lire ton article de ce pas ! Merci à toi Anaïs, il n’y a rien de plus gratifiant pour moi que de constater que mes réflexions ont inspiré d’autres personnes :) N’hésite pas à me contacter par mail si tu souhaites discuter davantage avec moi de l’utilisation de ta voix, pour ta vidéo par exemple !